7. La 100e Division d’Infanterie capture Bitche

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La prise de Bitche en résumé

Avant l’entrée dans Bitche, je pense qu’il serait utile de résumer les événements précédents.

  • Du 1er novembre à début décembre 1944, la 100e Division d’Infanterie combat l’armée allemande et la repousse sur 120 km vers l’est, en direction de Bitche et la ligne Maginot, libérant les villes françaises sur son passage.

  • A la mi-décembre, la Division prend d’assaut les forts de la ligne Maginot, dont Schiesseck et Freudenberg. Après avoir capturé ces forteresses, l’armée américaine démantèle tout l’armement allemand, à l’exception des obus. Ces forts situés à l’ouest de Bitche seront un facteur décisif dans la prise de la ville à la mi-mars.

  • Bien que la 100e Division d’Infanterie est capable et prête à prendre Bitche à la mi-décembre, ils ont pour ordre de maintenir leur position et servir de soutien aux alliés dans les Ardennes, engagés dans la « Bataille des Ardennes ».

  • Après la nouvelle année l’armée allemande lance une offensive majeure, baptisée « Nordwind ». Sur une période de deux semaines, elle reprend le contrôle de zones autour de Bitche, dont les forts Schiesseck et Freudenberg à l’ouest, la haute position de Schorbach au nord et le Camp de Bitche à l’est. Ces trois zones seront les cibles de l’armée américaine.

  • Entre mi-janvier et mi-mars, les deux côtés poursuivent l’affrontement mais ni l’un ni l’autre ne gagne de terrain.

  • Le 15 mars 1945, la 100e Division d’Infanterie reçoit l’ordre de prendre Bitche.

  • La Division est composée de trois régiments : le 397e, le 398e et le 399e. Le plan est simple. Le 397e doit prendre le terrain surélevé au nord et stopper les mortiers et les tirs d’obus allemands. Le 398e est au centre et doit prendre les forts Schiesseck et Freudenberg pour rentrer dans la ville par l’ouest. Le 399e est sur la droite et doit prendre le Camp de Bitche à l’est avant d’entrer dans la ville. Tout cela doit se dérouler simultanément.

  • A 01h00 le 15 mars, un barrage d’artillerie lourde est déclenché sur les positions allemandes, sans interruption et pendant des heures. Un second barrage est ouvert à 03h00.

  • La 100e Division d’Infanterie ne lance pas l’assaut avant 05h00. Elle n’attaque pas de nuit, principalement à cause des mines. Les forts étant peu défendus, les Allemands avaient posé de nombreux modèles de mines terrestres qu’il fallait enlever avec soin pour que les troupes puissent avancer. Pour arrêter le 398e Régiment d’Infanterie, les Allemands utilisent une combinaison d’artillerie et de sniper sur les positions élevées.

  • La Compagnie F suit la Compagnie E ce matin-là. Voici un rapport de la main du PFC Andrews : « Le début de l’attaque sur Bitche fut relativement facile. Les Boches ne nous ont pas repérés avant que nous fussions sortis des bois. Les soldats sortirent du bois les uns après les autres, et tout commença. Pour la plupart d’entre nous, c’était la première fois que nous étions ciblés par des obus . Nous ne pouvions nous couvrir que dans un fossé, profond de deux pieds, à gauche de la route. Personne n’hésita à se jeter dedans et tenter de se faire le plus petit possible. J’étais si près du sol que mon nez était complètement enterré. Les obus et les mortiers pleuvaient tout autour de nous. Nous étions si serrés que la tête de chacun touchait les pieds de l’autre d’un bout à l’autre de la Compagnie. Les troupes restèrent dans cette position pendant au moins deux heures dans ces mêmes conditions. Les mortiers et les obus nous harcelaient constamment. Plusieurs hommes furent touchés. Deux, à quelques pieds de moi, furent gravement blessés. Grâce à Dieu, personne ne fut tué. »

  • Arthur M. Silva (Compagnie F) raconte son expérience, lui qui suivait la Compagnie E ; il l’appelle le « Bee Line Dash » (Le Sprint de l’abeille) : « C’était le jour de l’attaque du 15 mars. Nous passions Fort Freudenberg et Fort Schiesseck et avions environ 300 mètres à couvrir, quand soudain, j’entendis une abeille non loin de mon oreille. Je me rappelle que Limbaugh est venu me dire qu’il s’agissait de snipers qui nous ciblaient. Malgré la fatigue, j’ai effectué un sprint de 200 mètres qui a sans doute battu tous les records ! »

  • L’unité de Tom, la Compagnie E, eut un rôle déterminant dans cette phase du combat. Quand il tombe sous les tirs du sniper, il ouvre le feu à son tour et abat le sniper. Il fut décoré de l’Étoile d’Argent, étant donné que l’avancée du 398e Régiment était l’élément décisif dans la prise de la ville.

  • Les trois régiments exécutent leur plan d’attaque à la perfection et les troupes allemandes se replient, quittant la zone le soir du 15.

  • Ayant encerclé la ville entière, la seule présence allemande qui défendait toujours la ville le matin du 16 consistait de tirs d’armes légères.

  • A 05h00 la Compagnie E, suivie par le second bataillon, à 07h30, pénétrèrent dans les rues de Bitche. Les villageois se rendirent vite compte que le jour de la libération était venu. Parmi les premiers à accueillir les troupes était le propriétaire de l’Auberge de Strasbourg, George Oblinger. Il sortit un drapeau américain que sa femme Maria avait fabriqué en secret et le présenta au Capitaine Thomas H. Garahan.

Remarquons l’orientation des étoiles sur le drapeau. La porte sur la droite est une entrée de service de l’auberge ; il se peut que Maria soit la femme avec la main sur son menton.

Peu après avoir reçu le drapeau, Tom et quelques membres de sa compagnie montent au deuxième étage d’un appartement au-dessus d’une boutique. Un photographe et correspondant de guerre est sur place et prend cette photo. Elle est publiée dans Stars and Stripes et dans presque tous les quotidiens américains deux jours après. La photo fait partie des Archives nationales et l’on trouve ci-dessous les notes attachées au document.

Texte sur la bordure du négatif : « SC 202712, France, le Capitaine Thomas H. Garahan lève le drapeau américain au-dessus de Bitche, tombée sous l’assaut de la 100e Division, Corps XV, 7e Armée américaine, après un siège de nombreux mois. Il fut le premier des troupes à pénétrer dans l’enceinte. 16 mars 1945 ».
Photo #ETO-HQ-45-20443 (Lane) Orig. neg. rec’d from OCSigO Headquarters, SCB, European Theater of Operations, USA, March 1945. Released by Overseas Field Press Censor, SHAEF, 17 March 1945. 4×5 orig. neg, Lot 10933, pr/nf” 111-SC-202712_2007_001
La flèche supérieure représente le 397e, celle du centre le 398e (celui de Tom)
et la flèche inférieure le 399e Régiment