Samedi 11 novembre 2017
Bataille de Heilbronn, traversée de la Jagst

La carte ci-dessus est mon guide aujourd’hui. La simplicité de celle-ci me force à effectuer de nouvelles recherches pour trouver le lieu exact de la bataille de la 100e Division d’Infanterie.

Après la libération de Bitche, la Division entière traversa le Rhin à Ludwigshafen/Mannheim. Des bombardements alliés ayant détruit les ponts sur le Rhin, un ponton de fortune fut hâtivement construit pour permettre aux troupes de passer le fleuve, en direction de la Neckar et de Heilbronn.

Je suis sur l’autoroute depuis quelques heures et je décide de m’arrêter le long de la Neckar, à la gare de Bad Wimpfen, parce que la rivière et les rails sont susceptibles de me mettre sur le chemin du site de la bataille, de l’autre côté de la Jagst, une branche de la Neckar.
Les trois régiments de la 100e se préparent à attaquer les Allemands à Heilbronn. Le 398e est au nord de la Jagst au matin du 6 avril 1945, et son objectif est de traverser la rivière et attaquer les Allemands.
Soixante-dix ans se sont écoulés depuis. Je risque d’avoir du mal à localiser le site de la bataille.
Quelques kilomètres au sud, je sors de la route principale et traverse la Neckar. Je rentre à Jagstfeld. Toutes les maisons datent de l’après-guerre. C’est une communauté suburbaine de classe moyenne. Heilbronn et la zone environnante furent intensément bombardés par les alliés au printemps de 1945. Toutes les villes durent être reconstruites.
Soit la ville est bâtie sur le site de la bataille, soit je suis allé trop loin. Je reviens à la route principale et me dirige vers le nord, la rivière et les rails sur ma droite. Un kilomètre plus loin, la route croise la Jagst et des rails la suivent. Je prends la prochaine sortie, direction Duttenberg. Je tombe sur une plaine inondable où il n’y a qu’un seul bâtiment. J’ai trouvé le site.

L’établissement dirige le cours de la Jagst avec un déversoir et un barrage. Puisque rien n’a été construit sur la zone inondable, le paysage est virtuellement le même que le 6 avril 1945. Contextualisons.
La longue bataille de huit jours pour Heilbronn fut l’équivalent du « Last Stand » (ultime résistance) nazi. Les troupes allemandes restantes rassemblaient les rescapés des unités militaires les plus féroces. Ils étaient appuyés par quantité de pièces artilleries lourdes, fusils anti-aériens en tirs d’appui direct, rassemblés pour défendre Heilbronn.
En ce lieu, tout l’arsenal allemand était sur la crête au-dessus des rails, pointés sur le champ ouvert devant la rive. Toute la 100e Division d’Infanterie fut positionnée dans l’objectif de contourner et encercler l’ennemi.

La Compagnie E de Tom, du 398e Régiment, est le second bataillon à traverser la Neckar sur des embarcations d’assaut. Ils s’apprêtent à traverser la Jagst de la même façon. Les Compagnies E, F et G se mettent en route à 05h00, le 6 avril 1945.
Nous sommes le samedi 11 novembre 2017, et le but premier de mon voyage en Allemagne est de trouver ce lieu à cause de son importance historique. Le site est intact et préservé d’un point de vue historique. Encore une fois, il pleut, il fait froid, et je suis seul sur un pont piétonnier, à scanner le terrain et saupoudrer le décor réel des histoires que j’ai lues.



Quand les Compagnies E, F, et G tentèrent la traversée, ils durent faire face à beaucoup de défis. La Compagnie F publia un livre quelques mois après la guerre, toujours stationnée en Allemagne, une sorte d’annuaire dans lequel on trouve un récit de première main du déroulement de la journée.
« Nous reçûmes l’ordre d’attaquer au matin ; Jagstfeld est notre mission. Pour réussir à traverser la Jagst, il était nécessaire pour la compagnie de porter de lourds bateaux d’assaut dans une vallée ouverte. Dès que les bateaux touchèrent l’eau, l’ennemi ouvrit le feu.
« La compagnie serra la rive du fleuve pendant un court instant, puis chargea sur 650 mètres à découvert. Le second peloton contourna la position ennemie. Le reste de la compagnie fut forcé de rebrousser chemin. Le corps du long et fin Joe Wharton gît sur le champ entre le second peloton et la Neckar. Avec un fusil d’assaut dans les mains et un P08 allemand à la taille, il tentait de couvrir ses gars, cloué en bas du chemin de fer par le feu ennemi. »
Lieutenant Adams
Un livre d’histoire sur le 398e Régiment écrit en 1946 expose la situation dans laquelle se trouvèrent les Compagnies E et G :
« Le Capitaine Garahan de la Compagnie E était dans la seconde vague et fut immobilisé par le feu ennemi dès qu’il posa un pied à terre. La Compagnie E et la Compagnie G avaient effectué la traversée côte à côte, ce qui permit au capitaine Einsman, de la Compagnie G, qui n’avait pas encore traversé, d’envoyer une ligne droite et continue de tirs de couverture. »
Puisque la moitié des deux Compagnies était toujours de l’autre côté de la rivière, traverser en bateau était trop dangereux. Le courant était trop violent pour la traverser à pied. Heureusement, un membre de la Compagnie G remarqua que l’eau coulait sur le déversoir. S’il était possible d’ouvrir le barrage, le niveau d’eau chuterait et l’on pourrait traverser la rivière loin des tirs allemands.

L’Histoire du 398e Régiment dit :
« Pendant ce temps, le Capitaine Einsman remonta la rivière à la recherche d’un endroit plus reculé pour traverser la rivière. Il s’aperçut que le déversoir sur lequel coulait l’eau pouvait être réglé. Il leva le barrage et le niveau d’eau diminua rapidement. La Compagnie H fut déployée sur des bateaux au-dessus du barrage avec des armes lourdes, et le restant des hommes de la Compagnie E et la Compagnie G traversèrent la rivière sur le barrage même. Il y avait toujours une arme automatique braquée sur les soldats exposés, les armes de la Compagnie H furent maintenues sur la rive jusqu’à la dernière minute pour couvrir les hommes qui chargeaient à ciel ouvert après la traversée. Pendant que les hommes qui étaient restés bloqués sur la rive et ceux qui venaient de passer la rivière couraient jusqu’au remblai du chemin de fer, les mortiers et fusils automatiques de la Compagnie H harcelèrent les bois pour permettre aux soldats d’atteindre leur objectif, sous les tirs de snipers allemands. Une fois l’objectif atteint, les armes furent placées dans les bateaux et le restant de la Compagnie H passa la rivière. Sous les tirs ininterrompus des mortiers ennemis, les mitrailleurs rejoignirent le remblai, toujours sous les tirs de snipers. Il était 10h30 quand l’ensemble des soldats des Compagnie E et G arrivèrent à la digue. Dès lors, la réorganisation pouvait commencer. »
Pendant que les Compagnies E et G progressaient vers la protection du remblai, la Compagnie F restait bloquée. Voici le récit d’un soldat:
« Objectif Jagstfeld
« C’est l’aube du matin du 6 avril. Notre objectif du jour est la ville de Jagstfeld, située à environ un kilomètre de la Jagst.
« Les pelotons d’armes légères ayant traversé la rivière, nous atteignîmes l’objectif sans embûche. Arrivés au champ, sur le côté ennemi de la rivière, nous partîmes sur le côté selon les ordres du lieutenant Horler. Deux hommes couraient devant moi et juste derrière étaient « Con’ », Super et Wade. Nous étions arrivés au milieu du champ quand les ennuis commencèrent. Je portais le mortier et les autres les munitions, mais nous n’étions pas en position de les utiliser. La seule chose que je pus en faire fut de me servir de sa base comme bouclier après m’être jeté à terre.
« Durant mon étreinte avec la « Terre nourricière », je me rappelai de l’entraîneme où l’on apprend à creuser pour utiliser la terre comme rempart contre le feu ennemi. Je me demandai si ceux qui nous enseignèrent cette technique s’étaient jamais retrouvés dans la même situation. Si oui, comment diable se mirent-ils à creuser ? On aurait dit que chaque fois que je bougeais, on me tirait dessus. La terreur suffisait à me glacer le sang, mais le froid et la pluie achevaient de me désespérer.
« Je vis une effusion de terre à côté de Super, et lui demandai s’il était touché. « Moi non, mais si tu voyais mon fusil ! » Il semblait plus préoccupé de l’état de son arme que celui de sa peau.
« Nous restâmes couchés sous le feu allemand pendant presque quatre heures avant de pouvoir faire demi-tour et nous mettre à couvert. Ça faisait du bien de se dégourdir les membres après être restés étendus si longtemps.
« Tard dans l’après-midi, nous prîmes la direction de la ville une fois de plus. Ça nous prit longtemps, mais nous finîmes par la prendre, comme les autres avant elle. »
« J. Gibson »
La bataille s’intensifie, les mortiers américains prenant les nids allemands pour cible, mais le feu allemand ne permet pas à la Compagnie E d’avancer le long du remblai. Il est nécessaire pour les soldats de se mettre à couvert :
« Désormais, l’ennemi glissait vers la droite pour empêcher la Compagnie E d’atteindre Heuchlingen. La Compagnie H concentra sa puissance de feu sur un coin du bois juste au-dessus du chemin de fer. Tandis qu’une section émettait son barrage de tirs, une autre section tira des fumigènes pour camoufler le passage le long des rails que la Compagnie E s’apprêtait à emprunter. Deux cents tirs de fumigènes furent tirés, protégeant la Compagnie E des fusils automatiques pendant son entrée dans Heuchlingen. Avant de s’engager dans le nuage de fumée, le capitaine Garahan donna l’ordre au lieutenant Pittman de prendre son peloton ainsi qu’une section de mitrailleurs et de longer les bois sur la droite de la compagnie, pour protéger son flanc et s’occuper des Allemands qu’ils trouveraient dans la partie inférieure du bois. Le corps principal de la Compagnie partit pour Heuchlingen à environ 15h40, sous la couverture du grand nuage de fumée de la Compagnie H. Quand ils y parvinrent, ils trouvèrent que les tanks qui les soutenaient étaient déjà dans l’enceinte et avaient capturé trente-huit ennemis qui tiraient au sniper depuis leur position élevée au-dessus de la rivière. Huit membres du peloton anti-blindés du 2e Bataillon étaient arrivés sur les tanks et les avaient aidés à capturer les ennemis éparpillés dans les bâtiments. Le capitaine Garahan donna l’ordre à son peloton d’organiser la défense de la ville et de se préparer à la tenir jusqu’à nouvel ordre. »
La pluie s’est arrêtée. Avant de partir, je me pénètre du paysage une dernière fois. Une rivière s’écoule, dans un endroit paisible, parfait pour un pique-nique du dimanche. L’endroit tait ses secrets.
Samedi 11 novembre 2017
De Heilbronn à Stuttgart
Au retour, je passe par le village de Duttenberg et je traverse la Jagst, à la recherche de Heuchlingen (Hoosh-line-geun). Je suis sur « Heuchlingen Strasse » ; mes pensées oscillent entre les événements de 1945 et cette journée comme les autres, quelque part en Allemagne.
La mission de la Compagnie E après la traversée de la rivière est de prendre le contrôle de Heuchlingen, Jagstfeld étant la ville adjacente. Après avoir sécurisé la zone, la Compagnie E passe la journée du 7 avril à tenter d’identifier les positions de l’artillerie allemande dans le terrain boisé non loin.
L’Histoire de lu 398e Régiment continue :
« Le matin suivant, le 8 avril, la Compagnie E reçut l’ordre de détruire les forces allemandes, dans le bois au nord-est de Jagstfeld, qui entravaient l’avancée de la Compagnie G. A 08h30 les 1er et 2e Pelotons entrèrent dans le bois, et avant d’avoir fait 250 mètres, ils furent ciblés par un flakwagen, et bientôt, mortiers et obus tombèrent sur les hommes qui se déployaient dans le bois. Avant l’entrée dans les bois, on avait bombardé le secteur, mais apparemment les Allemands étaient bien protégés et n’avaient aucune intention de se replier. Réalisant qu’il était futile d’essayer de prendre le bois avec seulement 2 pelotons et sous l’intense barrage de bombes ennemies, le capitaine Garahan se replia avec ses troupes jusqu’au côté nord de la ville, et ordonna qu’on réponde au bombardement allemand. Il demanda si les artilleurs pouvaient localiser le flakwagen qui leur avait tiré dessus avec leur avion de reconnaissance, ce qui fut impossible vu la broussaille qui camouflait l’ennemi. »
Avançant de maison en maison à Heuchlingen le 8 avril, Tom était dans l’entrée de l’une d’elles quand un obus explosa devant lui. Cherchant à fuir l’explosion, il tomba à la renverse dans un escalier et déboula jusqu’au sous-sol. Il fut rapidement évacué. Son second, le lieutenant Jim Kiddie, prit la direction de la Compagnie E.

Le jour suivant, Tom fournit des explications dans une lettre à Kate…
« Allemagne
« Ma très chère Kate,
« Qu’est-ce que je fais ? Je suis au lit, au poste d’évacuation, et je fume ma pipe (j’en ai une nouvelle depuis Paris) et je prie pour que la guerre se termine pour que je puisse rentrer.
« Pourquoi suis-je ici ? (J’anticipe ta curiosité) Eh bien — rien de grave. J’étais dans une maison dans une ville pendant qu’elle se faisait bombarder. Je m’étais réfugié à l’intérieur pour m’abriter des fragments de shrapnel volants. J’étais debout devant l’escalier de la cave. Un obus atterrit devant moi et je reculai d’instinct. L’instant suivant, j’étais allongé en bas de l’escalier, confus.
« Ils m’ont fait des radios mais n’ont rien trouvé. Le docteur dit que j’ai probablement un claquage de l’articulation sacro-iliaque et que quelques jours de repos suffiront à me rétablir. Personnellement – tout ce que je sais c’est que j’ai très mal au dos et, grâce à mon gros cul, aucune vertèbre cassée.
« Avant que j’oublie, je dirai à maman quand je lui écris que je suis tombé dans l’escalier en omettant le contexte. S’il te plaît, ne lui dis rien de plus, je sais qu’elle mourra d’inquiétude en imaginant des obus m’exploser autour.
« Je ne me rappelle pas de la dernière fois que je t’ai écrit. Je ne sais pas combien de lettres de ta part j’ai reçues depuis. J’en ai reçu une, l’autre jour, datée du 27 mars, qui disait qu’Artie était dans l’opération « Iwo Jima ». Ce dut être une folle expérience, même du second balcon. Les Marines ont fait du bon travail. C’est si dommage que tant de jeunes Américains doivent sacrifier leur vie pour prendre ce foutu morceau de roche volcanique. Mais j’imagine qu’Iwo Jima est d’une importance stratégique clé dans la guerre du Pacifique. Leur sacrifice permettra peut-être de sauver des milliers de vies. »
Tom reçoit la médaille du « Cœur Pourpre » pour ses blessures dont il souffrira le restant de ses jours.
Les jours suivants, les forces américaines affrontent et repoussent les forces allemandes, contraintes de passer le Kocher. Jim Kiddie se montre remarquable durant le rétablissement de Tom. Le 13 avril, Heilbronn est capturée. Le bombardement incessant des alliés a décimé la ville, et les huit derniers jours de combat de la 100e Division d’Infanterie se terminent sur la capitulation de ce qui reste de l’armée allemande dans la zone.


Le jour de la prise de Heilbronn, Tom est notifié d’une nouvelle importante. Il en fait part dans sa lettre à Kate :
« THG Lettre 13-4-45
« Allemagne
« Très chère Kate,
« La rumeur de la matinée, c’est que Roosevelt est mort hier. Personne n’y a cru. Cependant, à 8 heures, le journal radiodiffusé confirma la nouvelle.
« Je pense qu’indépendamment des opinions politiques ou de la subjectivité de chacun, la plupart des gens pensent que sa mort, à ce moment, est un coup dur pour l’Amérique. Je ne songe pas à la guerre, je pense que sa mort ne jouera pas sur la victoire qui nous attend. ——— Mais, toujours est-il qu’il reste la paix à gagner. C’est là le nœud du problème. A deux semaines de la conférence de San Francisco, avec des personnalités comme Churchill et Staline à la dernière table de négociation, l’inspiration et le génie de Roosevelt seront regrettés.
« Des larmes de crocodiles seront sans doute versées par ceux qui s’opposèrent systématiquement à Roosevelt toutes ces années, maintenant que le deuil ne leur coûtera rien. « Nil nisi bonum mortuit » (latin – des morts, on ne doit dire que du bien) sera leur slogan, ça fonctionnera peut-être un moment, mais un jour, leurs larmes seront peut-être réelles, lorsqu’ils se rendront compte que même une grande nation comme la nôtre a besoin d’un bon chef en ces temps de péril.
« Que vaut Harry Truman ? Personne ne le sait. Je doute que même ses proches sachent prévoir quel genre de président il sera. S’attendre à ce qu’il puisse diriger le pays dans ces circonstances, c’est croire aux miracles. J’espère, et je prie, qu’il nous surprendra tous.
« Je dirai juste que c’est un triste jour pour moi, parce que je crois fermement que l’Histoire montrera que Roosevelt fut un des plus grands politiciens et théoriciens pratiques de tous les temps.
« Voilà tout ce que j’ai à dire avant que tu déchires cette lettre et la jettes dans la corbeille. »
Après plusieurs jours, Tom reprend le commandement de la Compagnie E et l’enchaînement des événements précipite la fin du régime nazi. Le 1er mai, la mort d’Hitler est annoncée et Tom prédit la fin dans cette lettre à Kate :
THG Lettre 5-1-45
« Allemagne
« Chère Kate,
« Il n’y a pas cinq minutes, le programme du hit-parade à la radio a été interrompu, et un commentateur a relayé que la radio allemande a confirmé la mort d’Hitler. La nouvelle ne fut pas si choquante qu’elle aurait pu l’être, car nous avions entendu des rumeurs qui le disait soit mort, soit gravement blessé récemment. Ma réaction fut entre le soulagement et le doute. Je me suis immédiatement demandé si tout ça n’était pas un coup de bluff pour lui permettre de sauver sa peau. Je me suis aussi demandé ce qu’en disait le peuple allemand. Est-il devenu un martyr, un saint teuton ? J’imagine. L’Histoire le dira. »

Un peu plus d’une semaine plus tard, coup de théâtre :
Dans sa lettre à Kate ce jour-là, il est joyeux, et mesuré :
« Allemagne
« Victoire en Europe
« 8 Mai 1945
« Ma Belle,
« Je sais que tu es heureuse ce soir et je le suis aussi. Ce jour est l’aboutissement de longues années d’affrontement et de malheur. Certes, ce n’est pas la fin du chemin, mais c’est la dernière ligne droite pour moi. Le plus dangereux, ingénieux et intelligent des ennemis a été abattu. Bien d’autres mourront avant que la dernière balle soit tirée sur notre triste planète, mais la paix semble plus proche et plus accessible qu’elle ne l’a jamais été jusqu’à maintenant.
« Il n’y eut aucun « hourra » quand la nouvelle fut annoncée. Nous étions convaincus depuis un moment que notre travail de soldat était accompli ; nous étions juste là à attendre que quelqu’un l’officialise.
« Mais, même si nous avions été engagés avec l’ennemi, je ne pense pas que nous aurions été fous de joie, car nous connaissions tous quelqu’un qui était sorti du bateau avec nous, avait plongé dans les trous à nos côtés, mangé des rations froides, dormi dans la boue et rêvait du jour où tout ça serait fini, mais n’était pas là pour partager le soulagement et l’apaisement de la fin des combats avec nous.
« Tout ce que je peux dire, c’est « Dieu merci, ce cauchemar est fini. Fasse que ça ne se reproduise jamais. »
« Je joins à la lettre un extrait d’un ordre général arrivé aujourd’hui qui annonce qu’on me remet l’Etoile d’Argent. C’est très exagéré. Ça m’a pris au dépourvu. Je t’enverrai la médaille quand je l’aurai reçue. A ce que j’ai compris, nous recevrons la décoration et le ruban. »
L’humilité de Tom dans son commentaire concernant l’Etoile d’Argent reflète le type de personne qu’il était, mais ne concorde pas avec l’ordre général.
QUARTIER GENERAL 100e DIVISION D’INFANTERIE
Bureau du Commandant-en-chef
7 Mai 1945
ORDRES GENERAUX)
NUMERO 98)
REMISE DE L’ETOILE D’ARGENT………………………… II
SECTION II – REMISE DE L’ETOILE D’ARGENTSous les provisions du Règlement Militaire 600-45, une Etoile d’Argent est remise à l’individu susnommé pour sa prouesse au combat :
THOMAS H. GARAHAN, 010296510, le Capitaine du 398e Régiment d’Infanterie, pour ses prouesses au combat le 15 mars 1945, aux alentours de Bitche, en France. Assignés à la tâche de saisir les fermes Freudenberg, rudement disputés, deux pelotons de la Compagnie E furent cloués au sol en pleine ligne de mire ennemie et perdirent le contact avec le peloton qui défendait le flanc gauche. Réalisant que cette place forte bouchait l’entrée au bataillon entier, le Capitaine Garahan, l’officier commandant, organisa sa compagnie et la section des 66 mms motorisés en escouades d’assaut et se prépara à attaquer la position. Quand la colonne entama son avancée, avec le Capitaine Garahan à sa tête, un sniper ennemi tenta soudain de l’abattre. Il prit le temps de viser et riposta au tir ennemi, tuant le sniper et permettant à la colonne d’avancer, ce qui dispersa les troupes ennemies. Les courageux et vaillants agissements du Capitaine Garahan sont une inspiration pour ses hommes et relèvent des plus hautes traditions du service militaire. Entrée au service militaire à New York.
Sur ordre du Général Burress :
Le Colonel Richard G. Brather
Chef de l’Etat-Major
De tous mes voyages en Allemagne, celui-ci fut le plus marquant. C’était comme un rêve d’être seul dans un endroit, avec la connaissance détaillée de ce qui s’y déroula en 1945. Le paysage étant intact, ce fut facile d’imaginer les mouvements des troupes autour de moi. Les écrits de première main témoignent des dégâts physiques et émotionnels causés. Il n’y a ni monument ni panneau ici. J’ai l’impression de faire ressurgir un secret de famille désagréable que tout le monde connaît mais préfère taire en rouvrant cette page de l’Histoire. Quand j’ai développé mon itinéraire de voyage, je me sentais obligé d’y intégrer l’Allemagne. Les dernières semaines de la guerre furent l’apogée de l’expérience militaire de la 100e Division d’Infanterie. Mes recherches et ma visite ont approfondi ma compréhension des efforts et des succès de ces hommes.